samedi 30 avril 2022

Ma demi-GTB 2022, samedi 30 avril 2022.

 Vendredi 06 mai 2022, il est 13h et je démarre mon véhicule direction la région parisienne. Je quitte le Lac de Trémelin avec un gros pincement au cœur. Cela m'est difficile de partir mais voir tous les finisheurs arriver les uns derrière les autres m'était quand même assez pénible... et oui je n'ai pas pu aller au bout de la Gravel Tro Breizh 2022. J'ai abandonné tout juste à mi-parcours au sommet du Ménez Hom et c'est ce que je vais vous conter.


Nous sommes le vendredi 29 avril. J'arrive sur le site du départ de la GTB vers 16h. Comme l'an passé il se situe au Lac de Trémelin, à Iffendic (35). C'est à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Rennes. Je vais directement sur le petit salon où se trouve le barnum d'Erminig Bikepacking Adventures pour les formalités administratives. Je revois avec plaisir Frédéric Bernard, le grand gourou de cet évènement cycliste. Puis je fais un petit tour sur le mini-salon... il y a deux stands : Boost Cycles et Komoot. Sébastien de chez Boost Cycle m'attend. Il doit me prêter pour un test une sacoche de cadre Miss Grape Internode, mais malheureusement mon cadre est trop petit pour accueillir celle-ci. En tout cas j'ai été bien agréablement surpris par la qualité du produit, bien supérieure à celle de ma sacoche Blackburn. S'ensuit un briefing nous présentant l'épreuve et nous mettant en garde contre les chiens bretons. 


Le chef des pôtichats et de cet immense chantier, Frédéric.

Briefing et remise des balises.

Samedi 30 avril, un peu avant 06h50, je suis sur la ligne de départ de cette GTB 5ème édition. Je suis frébile et impatient de partir. Le décompte est lancé. 5,4,3,2,1 GO! Nous voilà parti sous un concert de sonnettes de vélo pour 1250km et 16 000m de dénivelé, à effectuer en 180h maximum. Nous passons devant Frédéric et nous nous élançons pour faire un tour du lac. Je suis parti dans le groupe de tête sans le vouloir. Ça roule bien mais je laisse les plus rapides partir devant, je ne veux surtout pas me caler sur leur rythme. Juste après avoir quitté les rives du lac il y a un petit passage boueux mais ça passe sans soucis. Nous roulons sur des chemins forestiers que nous laissons en arrivant à la Chambre aux Loups pour de petites routes de campagnes. A partir de maintenant, et ce jusqu'à Saint-Caradec (km 104) la trace est très roulante. C'est parfait pour une mise en jambe. Le premier CP est situé au km 71, au sommet du Mont Bel-Air. Cette année pour valider les passages sur les CP, il faut s'y prendre en selfie. C'est ce que je fais. J'en profite pour me restaurer rapidement. Je discute vite fait avec Patrick , qui fait la GTB en Fat, ainsi qu'avec Fabian , un cycliste belge que je suis sur les réseaux. Et voici qu'arrive l'homme à la Licorne sur le casque, pour faire le spectacle. Il s'agit de Nicolas. Il a la particularité de se prendre en selfie sur le CP dans le plus simple appareil, en cachant ce que l'on ne saurait voir avec sa Licorne.

Quelques minutes avant le départ.


CP1 au Mont Bel Air.

A partir de Saint-Caradec le parcours va devenir plus exigeant. Plus de chemins, de dénivelé et de difficultés. C'est à partir de ce moment aussi que ma roue arrière va commencer à faire du bruit. Il y a quelques temps elle l'avait déjà fait. J'avais fait retendre les rayons pensant que c'était eux qui frottaient. Le bruit avait disparu. Là les rayons sont parfaitement tendus. Je commence à soupçonner ma roue libre, surtout que certaines vitesses sautent parfois, ou ont un peu de mal à s'enclencher.

Soudain je vois un paquet de vélos posés au pied d'une crêperie à Trévé. Ni une ni deux, je m'y arrête aussi. Ce midi c'est galette complète, supplément frites et coca. Ça y est mon corps réclame son lot de calories. Tiens je ne vous ai pas parlé du temps. Il fait beau, mais encore assez frais. Je roule un peu couvert. 

Un peu avant Mur de Bretagne je croise un participant parisien, Jacques. Il ravitaille dans une boulangerie pendant que je surveille son vélo. Moi j'ai décidé de ravitailler à l'Intermarché. Il me gardera mon vélo alors. Je ne le sais pas encore mais Jacques sera mon compagnon d'aventure pendant quelques jours. Juste à côté du supermarché se trouve un vélociste. Il me fait une réparation de fortune n'arrivant pas à démonter la roue-libre. Ça va un peu mieux mais ce n'est pas encore tout à fait ça. Nous allons suivre les rives du Lac de Guerlédan et du Blavet pendant plusieurs kilomètres et c'est à ce moment là que nous faisons la connaissance d'un sacré personnage, Philippe. Un Ch'ti qui a migré en Bretagne. Philippe sera un autre de mes compagnons. Je l'avais aperçu à la crêperie où il s'était enfilé une belle pinte de bière. Il veut s'arrêter à l'Auberge de l'Abbaye de Bon Repos, ce que nous faisons. Je prendrais un chocolat chaud, le froid est de plus en plus présent. On a déjà 145km dans les pattes, mais je me sens bien. J'avais repéré sur la trace une gare avec une halle à Moustéru. J'en parle à Jacques et Phil. On décide d'aller voir. C'est vers le km 200. On y arrive, mais le site ne nous emballe pas pour y bivouaquer. La nuit commence à tomber. On va tenter de trouver notre bonheur au village voisin, Moustéru. Philippe décide de continuer à rouler. Avec Jacques et quelques autres nous nous posons sous un grand porche où se trouve déjà un petit groupe. C'est le grand luxe. Nous y serons à l'abri du vent et du froid. Il y a des toilettes juste à côté et comble du luxe un camion à pizzas est installé à quelques mètres. D'autres participants sont au stade, d'autres vers l'église... et nous sommes nombreux à nous ruer sur les pizzas. 

En bleu Philippe,  en orange Jacques et en noir Stéphane.






Pour cette première journée j'ai fait 200 km, 2958m de D+ en 15h, dont 12h de pédalage.

Dimanche 1er mai. J'ai passé une bonne nuit et à 06h10 je suis déjà en train de pédaler. Jacques se lève à peine. Chacun roule à son rythme, selon ses envies et surtout on n'attend pas les autres. De toute façon on se retrouve tous à un moment ou un autre selon les arrêts et autres pauses. 

Je traverse Tréglamus mais je n'y vois pas de boulangerie. Aussi je me lance à "l'assaut" du Ménez Bré, le CP 2. En y arrivant, j'assiste à un superbe lever de soleil. C'est beau ! Je redescends rapidement; il fait un peu froid là-haut. A Louargat je vois un vélo posé sur un mur. C'est un signe. Il y a surement un commerce intéressant à cet endroit. Je ne me trompe pas. C'est une boulangerie. Le vélo est celui de Stéphanie. Pareil, je vais rouler souvent avec elle. Je fais le plein de viennoiseries dont un Kouign-Amann. Juste après mon arrivée un autre groupe de cyclistes arrive et le "pillage" de la boulangerie commence ! Les villageois sont obligés de faire la queue devant le commerce, ce qui est exceptionnel ici selon les dire d'une voisine. Est-ce qu'il va leur rester du pain pour le midi ? 

CP2 au Ménez Bré.





La Vallée des Saints.




Aujourd'hui le plat de résistance est les Monts d'Arrée. Je roule tranquille. Ma roue libre continue à faire du bruit mais elle résiste. A Berrien, déjà dans les Monts d'Arrée, je m'arrête faire le plein d'eau au stade. Il fait chaud aujourd'hui. Deux jour après mon passage à Berrien est tombée la nouvelle qu'un loup y a été photographié. C'est le premier loup identifié en Bretagne depuis plus de 100 ans. Lors de cet arrêt je fais la connaissance de Valérie. On va traverser les Monts d'Arrée ensemble jusqu'au CP3, le Ménez Mikel ou Mont Saint-Michel de Brasparts. Nous montons jusqu'au pied du Roc'h Trévezel. Le sentier est sympa et ça grimpe bien. La descente qui s'ensuit est bien typée VTT. J'y prends mon pied. Je lâche les freins et m'amuse dans les pierres et autres marches. En bas nous faisons le tour du Lac de Brennilis. Il y a une zone un peu marécageuse où je vais faire faire trempette dans la boue involontairement à mes pieds. Puis ça remonte jusqu'à la chapelle qui se trouve au sommet. La montée est par endroits un peu rude et il faut pousser un peu le vélo. D'ailleurs il m'arrive parfois de descendre de mon fidèle destrier si la pente est trop importante. Je ne veux pas me cramer et je préserve mes forces. La route est encore longue.

Les Monts d'Arrée.







Crédit photo : Franck Kerherve.

Arrivé au sommet j'y retrouve Philippe et peu après c'est Valérie qui arrive. Jacques est juste derrière Ainsi que Stéphanie. Nous repartons Valérie, Philippe et moi. La descente est très technique. Je pars devant et mon habitude du VTT fait que je descends très rapidement. Valérie et Philippe suivent plus loin et plus prudemment. Je les attends en bas et je prends des photo. Philippe chute parfois. Il a du mal à déclipser et perd l'équilibre. Heureusement c'est sans gravité à chaque fois. Nous allons rouler  jusqu'à Sainte-Thégonnec. Jacques nous a rattrapé. Le froid revient. Il est accentué par un petit vent du nord-est. A Sainte-Thégonnec nous nous précipitons dans une crêperie. Elle aussi est envahie par une horde de bikepackeurs affamés. Valérie est partie. L'accueil du personnel et du patron est un peu froid malgré le chiffre d'affaire important de la soirée... j'ai un peu de mal à comprendre ce genre d'attitude. Bref. Passons.

Mont Saint Michel de Brasparts, Ménez Mikel.






Boris et Nicolas.

Après une galette, un crêpe et du cidre, nous repartons Jacques et moi. Philippe le fera un peu plus tard. Je veux avancer jusqu'à Saint-Pol-de-Léon au moins. En fait je voudrais aller chez un vélociste à Brest pour faire réparer ma roue. On sera lundi et je n'en ai trouvé qu'un seul d'ouvert, à l'écart du parcours. Avec Jacques nous roulons bien tout en papotant. Peu avant Saint-Pol-de-Léon, Philippe nous rattrape. Il commence à tomber un petit crachin "breton". Nous tournons un peu dans la ville avec Jacques pour trouver un abri. Philippe, comme la veille, veut rouler encore un peu de nuit. Nous nous poserons finalement dans les gradins du stade de foot. Malheureusement les vestiaires étaient fermés. J'ai mis mon réveil un peu avant 06h00 le lendemain. J'ai pour mission de réveiller Jacques. Il est presque minuit. La nuit va être courte.

En cette deuxième journée sur la GTB j'ai fait 176km, 2741m de D+ en 17h30, 12h40 de pédalage.

Lundi 02 mai. Le réveil sonne. J'ai du mal à émerger. Je sors de mon sac de couchage. Il fait froid et il pleut légèrement. Je vais réveiller Jacques mais il préfère dormir encore un peu. Il n'a pas d'impératif, tandis que moi je dois aller à Brest. Toujours mon histoire de roue libre. Je pars vers 06h30. Rapidement je suis rejoins par Stéphanie. Nous allons rouler un bon moment ensemble. A 09h00 je m'arrête pour passer quelques coups de fil. Le premier à Décathlon Brest. Sur leur site ils ont une roue Mavic. Je suis prêt à leur acheter. Le magasin n'est pas trop loin de la trace et je ne perdrai pas trop de temps. Mais le stock n'avait pas été mis à jour et ils ne l'ont plus. J'appelle alors le magasin Cyclexperts. Pendant ce temps là Valérie me double. Stéphanie doit être loin déjà. Le magasin me confirme qu'il est bien ouvert. C'est rare qu'un magasin soit ouvert un lundi. J'ai de la chance. Le patron me dit de passer. Ils vont s'occuper de ma roue en priorité. Je pense y être en début d'après-midi. Je repars soulagé. Je retrouve Valérie et Stéphanie quelques kilomètres plus loin. Nous venons de quitter les côtes de la Manche et nous nous enfonçons dans les terres, plein sud. Stéphanie fait une pause tartinage de pâté Hénaff. Ce matin le temps est maussade et je rêve de boire un grand crème. Mais il n'y a pas un bar d'ouvert. Nous sommes dans une zone de villégiature comprenant surtout des commerces ouverts en saison. Mon salut viendra d'un bar ouvert à Ploudaniel, où semble-t-il une grande partie de la GTB a fait une halte ce matin. Peu après c'est Stéphanie qui s'y arrête. Je la laisse quelques minutes après en grande discussion avec Martine, que j'avais croisé la veille à la Vallée des Saints. 





Je suis maintenant tout proche de Landernau, où je dois quitter la trace pour aller à Brest. Avant Landernau, la trace passe par de superbes singles où je m'éclate. C'est virevoltant, ludique, comme j'aime. Il y a même un petit pont effondré où il faut porter le vélo.



Je suis enfin à Landernau. Il est 12h10. Je me détourne et file à la gare. Là j'ai pris un TER jusqu'à Brest. Le magasin est à environ 6km, mais Brest n'est pas une ville plate. Loin de là. Ça va grimper jusqu'au magasin situé sur la commune de Gouesnou précisément. Quand j'arrive il est fermé. Il ne rouvre qu'à 14h00. Je dois attendre un peu plus de 30mn. J'en profite pour manger. C'est long ! Enfin la grille se lève. Le mécano s'occupe tout de suite de ma roue. Il change les cliquets de la roue libre, la nettoie et graisse le tout. Après le remontage, je le vois furtivement toucher à mon indexation. Je n'ai pas le temps de lui dire de ne pas le faire. Trop tard. Je règle et repars. Le patron du magasin me dit qu'il vaut mieux que je rejoigne Landernau par la route que de retourner à la gare. Il y en a pour 30mn selon son mécano et lui. Je leur fais confiance. En fait je n'aurai pas du les écouter. J'ai mis 01h20 pour faire 20km. Avec un vélo de 20kg et un relief bien accidenté, on avance bien moins vite qu'avec un vélo de route tout léger... 





Je suis de nouveau sur la trace, là où je l'avais laissé, à 16h10. Ce détour m'a coûté 04h. Mais ma roue tourne normalement désormais. Par contre ma transmission est déréglée. Pourquoi a-t-il touché mes réglages qui étaient parfaits ? Je mettrai un long moment avant de retrouver des passages de vitesses plus ou moins corrects. Je jette un coup d'œil au tracker et je vois que j'ai perdu entre 30 et 40km sur mes compagnons de route de ces trois derniers jours. Je ne les reverrai pas.

Je m'élance de nouveau sur le tracé. Dès le départ je rencontre un beau chemin en côte. C'est pentu, donc je pousse. Je vais attaquer un gros morceau, la presqu'île de Plougastel. On va longer la rade de Brest. Rouler parfois sur la plage ou sur le chemin côtier. C'est beau. Je me sens bien, mais mon détour me pèse et je tente de refaire un peu mon retard. C'est idiot car je suis encore bien dans les temps. Soudain je ressens une douleur au tendon d'Achille droit. La douleur s'accentue assez rapidement et je sens une gêne au pédalage. Je croise Céline, qui a déjà fini la GTB en tandem avec son chéri. Elle me dit direct : tendinite. Elle me conseille de baisser ma selle. Ce que je fais mais d'un centimètre seulement. J'envoie un message à Cyrus pour un conseil médical. Il me dit la même chose et me conseille de mouliner. J'avance vaille que vaille. Je profite des superbes paysages. Nous basculons sur le côte sud de la presqu'île. Il y a des serres pleines de fraisiers. Le sentier passe sur une zone rocheuse où le poussage/portage est obligatoire. Je m'arrête là pour manger et appeler ma chérie. La vue sur la Rade de Brest et Crozon en face est splendide. Il fait chaud et le ciel est bien dégagé. La progression est compliqué. C'est technique, cassant et usant. J'ai mis environ 6h pour faire 60km. Mon tendon tire. Sur la fin j'ai roulé avec Morgan, un petit jeune qui roule fort et qui lui est parti le dimanche avec la deuxième vague. Jusqu'à ce que je le croise j'ai essentiellement roulé seul. C'est dur mentalement. 









Quelques kilomètres avant Daoulas, un papa et ses deux fils attendaient les participants pour nous offrir une tisane bien chaude et une barre de céréales. Un ravito sauvage comme on les appelle. Ça fait du bien. Morgan et moi repartons et décidons de trouver un endroit abrité pour y passer la nuit. Je lui suggère d'essayer un sas de banque, ce que nous faisons. Cette nuit pas besoin de sortir le bivvy. Il fait bon dans le sas. Il n'y a que la lumière qui est dérangeante, mais en mettant un maillot sur la tête j'ai pu dormir. Vers 04h30 me semble-t-il j'ai entendu du bruit. Il y avait une personne en train de consulter ses comptes sur le DAB que nous avions laissé de libre. 

Morgan au ravito sauvage.



Sur cette troisième journée j'ai fait au total 169km et 2162m de D+ en 14h15, dont 11h20 de pédalage . Sur le tracé cela correspond à 140km et 1850m de D+.

Mardi 03 mai. Je me réveille assez tôt. J'ai très bien dormi. Je n'ai pas senti le tendon pendant la nuit. Je suis confiant pour la suite. J'abandonne Morgan et pars avant lui. On ne joue pas dans la même catégorie, et je sais qu'il me doublera très rapidement. Ma première mission de la matinée est de trouver des toilettes pour pouvoir y faire une petite toilette, et c'est dans le village suivant, Hôpital-Camfrout que je les trouverai. Je peux m'y enfermer avec le vélo, et je me lave. Ça fait un bien fou de se sentir un tant soit peu propre. Je repars, mais je m'arrête de nouveau très rapidement... à la boulangerie. Les boulangeries sont un arrêt obligatoire lors d'une telle épreuve. Si on en voit une il  ne faut pas hésiter à s'y ravitailler. On ne sait pas quand on en trouvera une autre. Je pars enfin. Je roule seul. Je vois très peu de participants. A Le Faou je m'arrête de nouveau, dans un café cette fois pour boire un grand crème, qui sera accompagné d'une viennoiserie achetée précédemment. Allez ! Je dois y aller. Un gros morceau m'attend encore aujourd'hui. C'est la presqu'île de Crozon. Je rêve de la parcourir depuis que j'ai lu moultes comptes-rendus de participants des années précédentes. Ce sera dur, je le sais. Mais je sais que ce sera beau aussi. Le début est roulant, cependant je ne force pas. La journée va être longue. Je pénètre vraiment à Crozon une fois que j'ai franchi le pont de Térénez. Jusqu'à Camaret sur Mer c'est toujours aussi roulant. Mais mon tendon redevient douloureux. J'ai pris un Doliprane en me levant mais je n'en ai plus. Je vais m'arrêter à Camaret à la pharmacie pour en racheter, et refaire le plein au supermarché. Mais je suis un peu inquiet. Dès que je pose le pied au sol, je boite. La douleur s'est bien installée. Je vais éviter de forcer. C'est après Camaret que la plus belle partie de Crozon commence... mais c'est aussi la partie la plus technique et la plus dure. Je m'élance dans les sentiers. Dès que le pente augmente j'arrive de moins en moins à pédaler. Je suis obligé de pousser. Dans les descentes cahoteuses mon pied tremble, comme si le tendon ne le retenait plus trop. Je continue quand même, vaille que vaille. Je suis toujours seul. De temps à autre je jette un œil au tracker, et en effet il y a un bon gap entre ceux qui me précèdent et ceux qui me suivent. Cependant je ne rattrape personne et personne ne me rattrape non plus. Je suis dans le rythme malgré ma tendinite. Il y a quelques passages tendus, dont un qui descend de façon très pentue sur une très belle plage de galets. La remontée n'est pas facile également. Les passages où je dois pousser sont de plus en plus nombreux. Mais on traverse aussi de superbes landes avec de magnifiques vues sur la Baie de Douarnenez. Les petits hameaux traversés sont très mignons. J'adore. L'allure est toujours aussi lente... ou c'est juste moi qui a l'impression de ne pas avancer. C'est une fausse impression en fait. Tout le monde avance à la même allure ici, à part bien sûr les cadors de la catégorie. 








Enfin je suis à Morgat. Je connais ce village pour y être venu il y a de nombreuses années. Je l'avais trouvé très sympa. Cela n'a pas changé. Je m'y arrête pour manger un morceau et boire un Orangina. J'ai besoin de sucre. Sur le tracker je vois que Philippe est là, à quelques rues du bord de mer. Il ne bouge pas. Je me dis qu'il doit dormir. Je le laisse tranquille et je continue ma route. Ça monte, ça descend sans arrêt. Mais maintenant c'est surtout sur la route. Les pourcentages sont importants par endroits. Je cherche à remplir mes bidons et je trouve enfin un point d'eau dans les toilettes d'une plage. En m'y arrêtant je jette un œil à mon tendon. Et là surprise : il a doublé de volume. Ce n'est plus du tout la même histoire ! Je n'y crois pas mais dans mon esprit cela ne fait aucun doute, je vais devoir abandonner. Il n'est pas encore 16h. J'avise ma chérie et mon ami Cyrus. Je me donne encore quelques minutes de réflexion, puis j'envoie un sms à Frédéric, l'organisateur. Il me rappelle aussitôt. Je lui annonce la nouvelle et lui demande s'il peut m'attendre au sommet du Ménez Hom, le CP4 et haut lieu de la GTB. Il accepte. Une fois là-haut je lui rendrai ma balise signifiant ma mise hors-course. Je roule désormais sans pression mais sachant que c'est fini mon mental et mon physique se sont effondrés soudainement. Il m'est encore plus difficile d'avancé. Je ressens alors une grande fatigue. Elle était là mais avec l'adrénaline je ne la ressentais pas. 


J'ai décidé d'abandonner, mais je garde le sourire. Il n'y a ni tristesse ni regrets.


Et voici la dernière montée vers le Ménez Hom. Je pars du niveau de la mer et le sommet est à 330m. Le début se fait en sous-bois. Il faut pousser parfois mais la pente reste relativement douce. On arrive sur une route passante et on en reprend une rapidement sur notre droite. C'est la montée finale. Une montée sèche de plus de 100m de dénivelé sur environ un kilomètre. Je me lance et dans un dernier sursaut je fais la montée à bloc. Je hurle de rage, de douleur. Le tendon tire mais j'y vais quand même. Les jambes elles sont bien là. Je me rend compte que j'en ai encore beaucoup sous la pédale. Je m'arrache dans les derniers mètres. Je vois Frédéric qui m'attend. Enfin je le rejoins. 

On parle un bon moment. On admire le paysage. Et je lui rend la balise. C'est terminé !!! J'ai fini ma GTB au CP4, au kilomètre 630 de la trace et après 10 000m de D+, en 3 jours et 12h. Il me restait 621km à faire, 6000m de dénivelé environ, et 4 jours pour arriver à Trémelin. Autant dire que j'avais fait la partie la plus exigeante et qu'il me restait assez de temps pour finir tranquillement. Mais je n'ai aucun regret. Je suis content de ce que j'ai accompli, surtout quand je me souviens qu'il y a un peu moins d'un an et demi je n'arrivais pas à bouger, coincé dans mon lit puis dans un corset rigide. Je me demandais alors si je pourrai un jour remonter sur mon vélo. J'ai pris une bonne revanche sur ma santé. 

CP4 au Ménez Hom.


Je quitte Frédéric et le Ménez Hom par le même chemin par lequel je suis monté. En route je croise Steven, le "gilet jaune" et surtout Philippe. Il est bien plus déçu que moi que j'abandonne. Je garde le sourire et je lui dis que ce n'est rien, que je suis content de ce que j'ai accompli. Il abandonnera lui aussi quelques jours plus tard sur tendinite aussi à cause de ses pédales et de ses cales récalcitrantes. Puis en bas de la route c'est Céline que je salue une dernière fois, et je prends la route vers Douarnenez puis Quimper où je dormirai à l'hôtel. Je vais rouler encore 45km jusqu'à l'hôtel. J'y arriverai à minuit. La première chose que j'y ai fait, est de prendre une énorme douche. Puis je me suis mis au lit. C'était bizarre de dormir dans des draps après avoir dormi dehors pendant trois nuits. 


En ce quatrième et dernier jour sur la Gravel Tro Breizh 2022 j'ai fait 127km pour 2320m de D+, en 13h00, dont 09h40 à pédaler et pousser le vélo. A ce kilométrage il faut ajouter 45km pour rejoindre l'hôtel à Quimper.

Après une courte nuit (je n'ai pas réussi à dormir longtemps) je me suis rendu à la gare prendre un train pour Rennes. Sur place j'ai retrouvé David, un participant qui avait abandonné à Camaret. En attendant le TER j'ai fait un peu de tourisme. Mon tendon était toujours aussi enflé et douloureux. Enfin à Rennes j'ai effectué les 30 km séparant la gare du Lac de Trémelin en vélo. Puis une fois sur place j'ai contacté Frédéric pour lui proposer de rester jusqu'à vendredi pour l'aider à accueillir les premiers finisheurs, ce qu'il a accepté sans hésiter. J'ai donc pu assister à l'arrivée du premier, Stéphane, jeudi matin vers 07h30. Puis suivirent Rudy et William. Ce trio s'est battu pendant plus de 48h, sans dormir ou presque, pour tenter de franchir la ligne d'arrivée en tête. Ils finirent tous trois complètement éreintés. 




William, Loïc, Frédéric et Morgan.



Thimotée (finisheur en singlespeed !) et Morgan.



Enfin vendredi 6 mai à 13h00 j'ai quitté Trémelin et cette belle terre de Bretagne. Je pense revenir l'an prochain pour prendre ma revanche. C'est une très belle épreuve, parfaitement bien organisée par Frédéric Bernard. Le parcours qu'il nous avait préparé est de toute beauté, alternant des parties roulantes et des parties techniques et difficiles, avec un savant dosage qui fait qu'elles ne sont jamais ni trop longues ni trop courtes. De plus la météo a été de la partie cette année. C'était parfait ! Et j'ai rencontré des gens fort sympathiques : Jacques qui va refaire le French Divide, Philippe le Ch'ti émigré en Bretagne, Valérie la triathlète normande, Stéphanie l'autre triathlète, bretonne elle, Denis, Yanis, Steven qui ferait fureur sur les ronds points avec son gilet jaune, Fabian le belge bien connu sur les réseaux sociaux, Patrick et son fat, Céline finisheuse de la GTB 2021 en tandem, Sébastien qui avait aussi des tendinites, David et son Genesis CDF, Pierre-Jean mon voisin Essonnien et tous les autres .... Et j'ai trouvé la discipline qui me convient. J'adore passé des heures à pédaler, voir des paysages changeant tout le temps. J'adore n'avoir que 4 choses à faire dans la journée : pédaler, chercher de quoi manger, chercher des points d'eau et chercher un endroit où dormir. Une journée de bikepacking ultra-distance se résume uniquement à ces 4 activités essentielles.

Au final j'ai fait 630km sur la trace de la GTB et 9875m de D+, en 3 jours et 12h. Et au total, si je compte les tours et détours effectués jusqu'à mon retour à Trémelin, j'ai fait 758km et 10910m de D+ en un peu plus de 4 jours. Je n'avais jamais roulé autant. Je vous laisse calculer la moyenne journalière...

Pour conclure je dirai qu'il faut je fasse plus attention à mes réglages. C'est une grossière erreur de ma part qui a conduit à cette blessure. Ma selle était trop haute de plusieurs centimètres. Sur de telles distances cela ne pardonne pas. Et enfin je pense que mes braquets étaient un poil trop gros. Je vais changer ma transmission pour pouvoir rouler plus souple. Je vais continuer à rouler et m'entrainer. Je compte revenir comme annoncé précédemment. J'ai aussi en tête l'idée farfelue de venir finir la trace que je n'ai pas pu faire entre le Ménez Hom et le Lac de Trémelin. Il n'est pas impossible que je le fasse... A voir.



Erminig Bikepacking Adventures : https://erminig.cc/

Komoot : https://www.komoot.fr/discover

Boost Cycles : https://www.boostcycles.com/

Lac de Trémelin : https://lacdetremelin.com/

1 commentaire:

  1. Très beau récit qui fait en même rêver et flipper avant ma première gtb en 2023

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